Travailler deux fois pour la même entreprise n’est pas chose courante. Geert est entré en fonction chez KPN Orange en 1998. À l’époque, l’entreprise appartenait encore à la société Orange, alors britannique. Et près de 20 ans plus tard, la boucle est bouclée puisqu’il travaille à nouveau chez Orange. Cela ne peut pas être un hasard. Nous sommes allés à la rencontre de Geert pour savoir ce qui lui plaît tant dans le credit management.

Qu’est-ce qui vous a amené au credit management ?

Même si mon premier emploi dans l’univers des cartes de crédit ne portait pas l’intitulé de credit management, cette fonction impliquait déjà directement une part de credit management. Dans le département Autorisations, notre rôle consistait à approuver ou à refuser les dépenses des clients dans un magasin ou un commerce. À l’époque déjà, il fallait procéder à une certaine forme d’évaluation de crédit, en fait. C’est à ce moment-là que je suis tombé dans la marmite. C’est notamment grâce à cette expérience de 11 années au cours desquelles j’ai aussi travaillé en partie pour le service à la clientèle que je me suis retrouvé dans le secteur des télécoms. En fait, je fais du credit management depuis toujours, même si cela n’a rien à voir avec ma formation (Geert est germaniste de formation). Visiblement, il y a quelque chose qui me plaît beaucoup là-dedans.

Pourquoi aimez-vous tant cela ?

En fait, mon métier a quelque chose d’à la fois très particulier et, parfois même, très difficile : veiller à ce que les gens paient les produits et les services qu’ils ont achetés. Il faut être conscient de la valeur ajoutée de son métier. Une fois que vous avez compris cela, le credit management est un métier que vous pouvez exercer avec beaucoup de plaisir.

Quelle est la valeur ajoutée du credit management ?

Le credit management apporte une plus-value à l’entreprise. D’un côté, vous avez la valeur financière de ce que vous faites, c.-à-d. l’effet sur le résultat final de l’entreprise. D’un autre côté, lorsque vous incitez un client à payer et que ce dernier paie tout ou une partie de ce qu’il doit suite à votre intervention, vous devez essayer de faire en sorte qu’il reste un client heureux. Il ne faut pas que le client ait envie d’aller à la concurrence au terme d’une procédure. Toute la difficulté consiste à préserver cet équilibre délicat.

Votre amour du métier ne cacherait-il pas aussi une certaine soif de justice ? La recherche d’une forme d’« équité » ?

Oui, tout à fait. Je suis entièrement d’accord avec vous. Une entreprise livre des services ou des biens. Ces services et ces biens doivent être payés. Ça me paraît juste. Donner et prendre. C’est ainsi que cela doit fonctionner. Ce principe doit être bien ancré en vous. Si vous ne l’avez pas, mieux vaut ne pas se lancer là-dedans.

Y a-t-il d’autres aspects qui vous attirent ? Cela fait plus de 20 ans déjà que vous exercez ce métier.

Certainement. Ma fonction implique aussi beaucoup de people management. J’aime aussi cet aspect du métier. Motiver les gens, les suivre, leur donner les bons outils pour qu’ils soient performants. J’en tire aussi beaucoup de satisfaction. Je ne suis pas du genre à rester à mon bureau pour élaborer quelques théories à faire exécuter par d’autres. Ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. Il faut aller sur le terrain et apporter aux gens la motivation dont ils ont besoin.

Le métier de credit manager n’est-il pas un des plus beaux métiers du monde ? Vous touchez à pratiquement tous les aspects de l’entreprise : processus, produits, systèmes, vente, finances. Existe-t-il d’autres fonctions aussi diversifiées au sein d’une entreprise ?

Peut-être celle de CEO (rire) ?

Quelles sont les principales difficultés du credit management, selon vous ?

Je pense que la principale difficulté réside dans le fait que l’on donne souvent une interprétation singulière à ce qu’est la protection du client. Tout l’art consiste à convaincre les gens à tous les niveaux, y compris les décideurs politiques, que la protection du client ne veut pas dire tout permettre au client. Il faut veiller à ce que les clients ne s’adonnent pas à une consommation excessive ou ne fassent pas d’achats stupides. La protection du consommateur est tellement importante pour nos décideurs politiques que nous sommes de plus en plus confrontés à des risques que nous ne sommes plus en mesure de maîtriser lorsqu’une personne devient cliente chez nous.

L’objectif réel n’est pas atteint parce qu’on s’y prend mal. Les décideurs politiques cherchent un moyen de se débarrasser des dettes plutôt qu’un moyen d’éviter des dettes excessives. Est-ce là la difficulté ?

En effet, vous avez mis le doigt sur le problème. Aujourd’hui, ce n’est pas juste qu’un client ait des dettes auprès de trente organismes différents : à la compagnie des eaux ou à l’entreprise de fourniture d’énergie, chez deux ou trois opérateurs télécoms. Il faut éviter justement que le client fasse des dettes et promouvoir l’idée d’un accompagnement en cas de problèmes de paiement auprès d’une entreprise. Il faut organiser le système de façon à ce que le client ne puisse pas contracter un abonnement auprès d’un autre opérateur télécom lorsque ses dettes auprès d’un autre opérateur n’ont pas été honorées. Cela permettra ainsi au client de gérer la globalité de sa dette. Le discours des agents de CPAS qui sont quotidiennement en contact avec ces personnes et qui les aident est identique. Ici également, il y a lieu d’appliquer le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir ».

Beaucoup d’agents de CPAS ou de médiateurs de dettes ne se poseraient pas de temps en temps la question de savoir comment il est possible que le client ait à nouveau contracté une dette ?

Pour être honnête, lorsqu’ils nous pointent du doigt et s’exclament : « Comment est-il possible d’avoir vendu cela au client ? », je leur donne en partie raison. Seulement, les credit managers ne disposent d’aucun moyen aujourd’hui pour exercer un contrôle. Même si vous faites le maximum pour protéger les gens contre eux-mêmes, ils font tout de même souvent ce qu’ils veulent au bout du compte. Les credit managers n’ont pas toutes les cartes en main.

Est-ce un problème qui vous frustre au plus haut point et que vous voudriez voir traité ?

Oui, tout à fait. Le mot magique dans le secteur des télécoms a longtemps été « Préventel ». Cela nous aidait et cela aidait le consommateur à éviter en définitive le surendettement.

Est-il faux de croire que ce contrôle empêcherait les consommateurs d’accéder aux produits ? Si vous connaissez la situation d’un client, vous pouvez apporter votre aide. Vous pouvez même développer des produits spécifiques pour ces clients, des produits qui évitent qu’une personne, par exemple, visionne 10 films par mois en ligne alors que son budget ne le permet pas.

C’est un fait. Je renvoie volontiers à notre offre prépayée.

Que pensez-vous de la nouvelle procédure de recouvrement B2B ?

Vous voulez dire « Pot-pourri I » ? Personnellement, je la trouve quelque peu trop réglée sur l’angle de vue des huissiers. Et avant la publication définitive de la nouvelle réglementation, on a aussi gardé un rôle pour l’avocat qui bénéficie lui aussi d’une part du gâteau en échange d’un effort minime. Je ne sais pas si c’est l’idéal. Le point positif, c’est que tout peut aller plus vite en principe. Vous n’êtes plus inscrit au rôle, vous ne devez plus attendre. Un nombre relativement important d’affaires aboutiront rapidement à une décision et à un ordre de paiement.

C’est donc l’idéal pour le lazy payer. Et ce sera meilleur marché pour le débiteur ?

Exactement. Ce sera peut-être un peu plus raisonnable de ce fait.

Mais on peut faire mieux ?

La rapidité est un facteur qui compte pour moi actuellement. La promptitude de paiement est vraiment importante dans le secteur des télécoms et dans d’autres.

Du coq à l’âne. Comment organisez-vous une collaboration efficace avec la vente ?

Le dialogue permanent constitue la clé. Nous nous réunissons régulièrement avec les service managers ou les sales managers. Une étape de notre procédure de rappel prévoit également que nous nous entretenions avec la vente. Nous n’envoyons quasiment pas de courrier aux gros clients – les entreprises –, sauf si nous en avons parlé avec les commerciaux. Ils doivent être informés de tout envoi de courrier. Chaque étape se fait en concertation avec eux.

Ils collaborent d’ailleurs activement au processus. Lorsqu’une grande entreprise ne paie pas ses factures, c’est qu’il y a une raison. La raison est rarement qu’elles ne sont pas en mesure de payer. Souvent, il s’agit de l’absence de mention du numéro de commande correct sur la facture, de l’utilisation du numéro de TVA de la mauvaise entité ou d’une erreur de tarif. Dans ce cas, il faut d’abord résoudre ce problème-là en concertation avec les sales managers et les service managers. Le principal est qu’il y ait un dialogue et une interaction en permanence. Le credit management et la vente ne sont pas antagonistes. Au bout du compte, nous travaillons tous pour le même employeur et pour atteindre le même résultat.

Geert De Pooter, Credit Control & Billing Manager chez Orange

  • Nombre de clients actifs ? 6 millions de cartes SIM connectées ou 1,4 million de factures par mois
  • Chiffre d’affaires à encaisser ? Environ 720 millions par an
  • Huissier de justice, bureau de recouvrement, avocat ou cession de dettes ? Pas de préférence. Partisan d’un benchmarking permanent
  • KPI favori ? Collection efficiency ratio
  • Assurance-crédit ou pas ? Cela dépend du secteur
  • Indice financier en matière de solvabilité ? Capitaux propres
  • Livre préféré ? Against the Gods de Peter Bernstein
  • ERP ou logiciel externe ? Des logiciels spécifiques liés à l’ERP et au CRM
  • Job avant le credit management ? Authorisations chez American Express
  • Pour quelle entreprise voudriez-vous une fois faire du credit management ? À la police fédérale, pour recouvrer les amendes.

Steven Penne

Bron: www.workincapital.be