L’année dernière, j’ai rencontré Jeroen van Amerongen de Faircasso lors du salon Credit Expo aux Pays-Bas. Il m’a expliqué que Faircasso effectuait un travail de recouvrement social car il s’agit d’une fondation et qu’elle réinvestit les « bénéfices » dans le processus en entraînant moins rapidement les débiteurs dans des procédures juridiques. En outre, elle aide les débiteurs à apurer leurs dettes. Je m’en souviens encore un an après. Entre-temps, il existe même un label « Recouvrement responsable socialement » aux Pays-Bas. Cela me parle.

Que signifie recouvrement social ?

Recouvrir de manière socialement responsable. Très bien. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Suffit-il de travailler sous la forme d’une fondation – en Belgique, il s’agirait d’une ASBL – et d’obtenir un label ? Comment déterminer qui effectue mieux ou moins bien son travail de recouvrement social ? Est-il interdit de faire des bénéfices ? Faut-il se montrer « soft » vis-à-vis des débiteurs ?

Beaucoup de subjectivité

Actuellement, des critères subjectifs semblent être la norme. Je vais énumérer plusieurs éléments qui sont directement liés à la notion de recouvrement social :

1. Limiter les frais
Ne pas imposer aux débiteurs qui éprouvent déjà des difficultés budgétaires des frais de recouvrement élevés semble être une condition récurrente. Chaque euro payé par le débiteur doit contribuer le plus rapidement possible au remboursement de la somme principale.

2. Approche humaine
Communiquer de manière humaine avec les débiteurs et les traiter humainement est un deuxième élément récurrent. L’automatisation est permise, mais une intervention humaine dans chaque dossier semble caractéristique du recouvrement social.

3. Aide à la gestion financière
Dans le cadre du recouvrement social, il y a également un aspect éducatif indépendant du paiement du dossier traité. Les recouvreurs sociaux s’assurent que le débiteur ne soit plus confronté au même problème.

4. Pas de poursuite de bénéfices
J’ai l’impression que vous ne méritez le label de « bureau de recouvrement social » que si votre intention n’est pas de faire des bénéfices. Pourtant, selon moi, toute entreprise qui veut se protéger pour l’avenir doit faire un minimum de bénéfices. Ne serait-ce que pour faire face à un éventuel revers. Mais qu’est-ce qu’un bénéfice suffisant ?

Est-il possible de l’objectiver ?

Travailler en réduisant les coûts est possible à objectiver. En ce qui me concerne, je pense que c’est aussi le véritable moteur du recouvrement social. Indépendamment de l’approche, de la rentabilité ou de l’engagement social, des frais réduits pour le débiteur augmentent son budget et lui permettent donc d’éventuellement se débarrasser d’autres dettes.

La moyenne (ou encore mieux, la médiane) du rapport entre les frais de recouvrement payés par rapport au montant principal payé est un indice facile à mesurer. Ce chiffre indique parfaitement les frais supplémentaires imputés, ce qui permet d’objectiver l’ensemble de la discussion.

Il serait même possible de mettre en place un classement sur la base de cet indice. Fixer des normes, les faire évaluer par une partie externe indépendante, et voilà le travail. En ce qui me concerne, je pense qu’une récompense annuelle pour l’entreprise de recouvrement la plus socialement responsable serait une excellente idée. Peut-être une idée pour l’IVKM ?

C’est bien beau, mais…

Si je lis tout ça, je me dis : « Il n’y a rien à y opposer. » Mais je vois aussi un dilemme. Qui détermine si vous pouvez effectuer un recouvrement social ? Le bureau de recouvrement ou le donneur d’ordre ? Selon moi, c’est le donneur d’ordre qui doit déterminer si l’on peut recouvrir socialement ou non.

Le donneur d’ordre détermine… tout.

Les bureaux de recouvrement, et par extension tous les autres acteurs du secteur du recouvrement, tirent leurs revenus d’un pourcentage de la somme qu’ils recouvrent, reçoivent une rémunération fixe par dossier ou une combinaison des deux. Certains éléments sont des choix commerciaux, d’autres sont fixés par la loi. Pour couvrir ces frais, les donneurs d’ordre prévoient dans leurs conditions générales des clauses concernant les intérêts, les frais de rappel, les clauses d’indemnités, etc. Celles-ci sont facturées au débiteur par le partenaire de recouvrement lors de la phase à l’amiable. Si vous entreprenez des démarches judiciaires, des frais supplémentaires légaux viennent s’y ajouter.

Si vous travaillez comme partenaire de recouvrement pour un donneur d’ordre, vous êtes supposé percevoir ces frais supplémentaires. Vous êtes payé par le biais du benchmarking, à savoir le taux de récupération total après une certaine période (p. ex. 6, 12 ou 24 mois). Recouvrir plus (qu’il s’agisse du montant principal ou de coûts) augmente la récupération totale. Une récupération plus élevée vous assure un meilleur classement auprès de votre donneur d’ordre et, en fin de compte, plus de travail, ce que recherchent tous les partenaires de recouvrement commerciaux. Si vous voulez recouvrer socialement, le donneur d’ordre va donc devoir se contenter de coûts perçus moindres et d’un taux de récupération inférieur, et vous aurez aussi moins de revenus en tant que recouvreur.

Le marché s’oppose au recouvrement social

La rapidité avec laquelle vous percevez est tout aussi importante. Les clients veulent rapidement voir leur argent. Cela réduit le risque d’impossibilité de perception de la créance en raison de mesures de protection telles qu’un règlement collectif de dettes ou la disparition du débiteur. Pour pouvoir travailler « humainement » en tant que recouvreur, il faudra donc que le donneur d’ordre le permette. Sinon, les concurrents empièteront sur vos activités. Car pour le CFO d’une entreprise d’utilité publique, de télécommunications ou d’une organisation quelconque, les coûts et les revenus sont ce qu’il y a de plus important.

À terme, une approche humaine peut aller au détriment du partenaire de recouvrement. Quand le marché aura compris que vous faites preuve de plus de compréhension qu’un collègue, les débiteurs en détresse reverront leurs priorités et privilégieront le collègue qui recourt à la voie judiciaire ou insiste pour que les coûts soient payés. Les collègues qui recourent rapidement à des mesures juridiquement contraignantes, avec tous les frais qui en découlent, seront de facto payés plus tôt par le débiteur, rien qu’en raison de cette force exécutoire.

Étendre le label ?

Je pense que le label « recouvrement socialement responsable » doit être remis principalement aux donneurs d’ordre. Ce sont eux qui déterminent les règles du jeu, le montant des coûts à imputer et la manière dont les activités sont réparties entre les différentes parties. La mesure dans laquelle les partenaires de recouvrement l’exécutent n’est qu’une conséquence, pour laquelle un label peut toujours être délivré par extension. Je me demande seulement dans quelle mesure les donneurs d’ordre sont intéressés. Voilà un sujet passionnant pour un travail de fin d’études.

Steven Penne


Source: www.workincapital.be