Le recouvrement des créances échues pour un tiers est un exercice d’équilibre. Contrairement à ce que pensent de nombreux observateurs extérieurs (et même les parties concernées), la rentabilité de l’exécutant n’est pas le seul facteur à jouer un rôle. La capacité de remboursement du débiteur, le résultat pour le commanditaire et la rentabilité pour l’exécutant sont trois paramètres qui doivent être mis en balance.

Capacité de remboursement du débiteur

Le facteur le plus déterminant dans tout l’exercice est la capacité de remboursement du débiteur. Sans paiement, il ne peut être question de résultat pour le commanditaire, pas plus que de rentabilité pour l’exécutant à long terme. Pas étonnant, dès lors, qu’un exécutant veuille obtenir rapidement un profil du débiteur. Un débiteur est-il joignable (GSM, e-mail…) ? Quelle attitude montre-t-il (agressif, coopératif…) ? Quelle est la problématique sous-jacente (négligence, difficulté imprévue, manque d’argent…) ? Le débiteur dispose-t-il d’un revenu ou va-t-il bientôt le recevoir ? A-t-il encore d’autres dettes et quelles en sont les perspectives ?

Tous ces éléments détermineront la capacité de remboursement du débiteur. La capacité de remboursement est définie par la fréquence et le montant du paiement. Ces deux facteurs influencent directement les deux autres piliers. Mathématiquement, il est question de proportionnalité : les faibles fréquences et les petits montants donnent de faibles résultats pour le commanditaire. Pour l’exécutant, le risque d’une mauvaise rentabilité est nettement plus élevé dans de telles circonstances, surtout en cas d’indemnisation de type « no cure, no pay ».

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les exécutants consacrent peu de temps à ce segment et se concentrent sur de meilleurs segments : les fréquences et montants élevés. On appelle cette approche l’approche de l’ « écrémage ». En tant que commanditaire, il ne vous reste donc plus que les miettes… à déguster à la fourchette. Dans ce cas, il n’y a pas d’équilibre. Et les créances ne sont pas nécessairement irrécouvrables.

Résultat pour le commanditaire

Un commanditaire prend deux critères en considération : le coût du recouvrement et la somme qu’il pourra récupérer du principal en souffrance dans un délai déterminé. Le coût du recouvrement se compose des frais « out-of-the-pocket » mais les coûts internes doivent également être pris en considération. Ce dernier facteur est indépendant de la volonté de l’exécutant.

C’est ici qu’apparaît le lien entre le débiteur et l’exécutant : le débiteur détermine la somme qui peut être récupérée, l’exécutant détermine les frais ainsi occasionnés. De sa position, le commanditaire ne peut plus influencer le débiteur ; souvent, il interviendra donc sur l’autre facteur : limiter les frais. Ce n’est pas la stratégie la plus efficace. Elle est aussi source de déséquilibre. Privilégier uniquement les coûts réduits augmente même le risque d’une stratégie d’ « écrémage ». Par ailleurs, l’exécutant limitera les actions qu’il peut entreprendre pour rester rentable ou poursuivra ses frais sur le débiteur si possible.

Il est donc essentiel de procéder à un étalonnage des performances sur le plan du recouvrement et des frais en utilisant plusieurs exécutants. De la sorte, vous obtenez une vision objective des possibilités de recouvrement dans votre portefeuille de clients et du coût qu’elles représentent. Sans étalonnage, vous ne voyez plus que d’un œil. Vous pensez en termes de réduction des coûts mais vous n’êtes pas conscient que si vous investissiez davantage dans l’exécution, vous pourriez tirer des profits nettement supérieurs qui compenseraient largement les coûts. L’inverse est également valable. L’étalonnage des performances sur la totalité est donc la seule approche correcte.

Rentabilité de l’exécutant

La rentabilité de l’exécutant est déterminée par les coûts supportés pour le recouvrement et l’indemnité que l’exécutant reçoit à cet effet.

Une faible rémunération (critère qui motive souvent les exécutants) peut conduire à deux résultats : peu d’efforts auprès du débiteur lorsque l’exécutant veut surtout préserver sa rentabilité ou un exécutant qui n’est pas rentable et, dès lors, cesse ses activités. Dans cette éventualité, personne ne sort gagnant. J’espère que vous n’avez encore jamais eu à le faire mais récupérer des créances auprès d’un partenaire qui cesse ses activités ne me semble pas évident.

Le fonctionnement du marché détermine la rémunération que les commanditaires sont disposés à payer. La concurrence oblige les exécutants à travailler à des prix conformes au marché. S’ils ne le font pas, ils n’ont aucune chance de survie. Pour pouvoir travailler à ces prix du marché et être rentables, les exécutants ont aussi une autre stratégie que l’écrémage : la gestion des coûts.

L’exécutant qui mise sur l’automatisation et l’optimisation des processus sera plus en mesure que les autres de limiter les frais et dès lors d’adopter une démarche rentable aux prix du marché en vigueur. Tous les exécutants n’en seront pas capables. Un exécutant a en effet besoin d’un volume déterminé pour amortir ses investissements dans l’automatisation.

Le recouvrement de créances échues est en fait une question d’équilibre entre trois parties et un étalonnage des performances objectif de la part du commanditaire pour vérifier si vous faites bien votre travail et si vous pouvez encore l’optimiser. C’est la seule garantie de succès.

Auteur: Steven Penne

Steven Penne

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Bron: www.workincapital.be