Le credit manager doit veiller à maintenir sous contrôle les coûts liés aux mauvaises créances. Le ratio « Bad Debt Expense » (BDE) reflète le niveau de ces coûts par rapport à la facturation. Mais comment le détermine-t-on exactement ? Et comment le transformer en un bon KPI ?  Le credit manager doit veiller à maintenir sous contrôle les coûts liés aux mauvaises créances. Le ratio « Bad Debt Expense » (BDE) reflète le niveau de ces coûts par rapport à la facturation. Mais comment le détermine-t-on exactement ? Et comment le transformer en un bon KPI ?  

Première étape : le numérateur

Commençons par calculer précisément les coûts liés au BDE. S’il n’existe pas de terme consacré en français, on pourrait cependant parler de « coûts liés aux défauts de paiement ». Ces coûts comprennent les éléments suivants :

1. La modification du poste « réduction de valeur actée » dans le bilan, qui se retrouve en Belgique sur le compte 409. D’un point de vue opérationnel, on parle de provision pour débiteurs douteux.   Les ajouts et retraits à cette provision se font sur le compte de résultats via le compte 634.Vous déterminez ce coût pour chaque facture individuelle ou groupe de factures similaires. Vous additionnez ensuite ces coûts par mois sur la base de la date de facturation.  Vous obtenez ainsi, par mois de facturation, un aperçu clair des frais que vous êtes encore susceptible d’encourir.

2. La « moins-value sur réalisation de créances commerciales » sur le compte 642. On inscrit ici les montants liés à la suspension du paiement d’une créance (p.ex. : après une faillite ou une vente de créances).  Par le biais de la comptabilité, vous établissez un lien avec la facture initiale et la date de facturation correspondante.  Vous obtenez ainsi à nouveau un aperçu de la période de facturation correspondant à cette réévaluation.
Additionnez les montants obtenus pour obtenir le coût total des impayés par mois.

Vient ensuite le dénominateur

En soi, un montant nominal ne dit pas grand-chose.  Les effets saisonniers, une augmentation ou une réduction soudaine des montants facturés en raison de changements des prix ou des volumes influencent significativement le montant nominal des factures impayées. Pour obtenir le ratio BDE, établissez le rapport entre le coût nominal des impayés et le montant total HTVA facturé par mois.  Soyons bien clairs : cela signifie donc que pour chaque mois comptabilisé, vous répertoriez vos pertes relatives aux factures du mois en question et la provision dont vous pensez avoir besoin pour couvrir les pertes attendues.

Pour ce faire, mieux vaut utiliser le chiffre d’affaires facturé. Les coûts des impayés proviennent des services ou produits fournis que vous avez couchés sur papier, et non des revenus de l’entreprise qui n’ont pas encore été facturés au client.  Dans de nombreux secteurs, on constate à différentes périodes de rapport une différence marquée entre le montant facturé et les produits d’exploitation reconnus comme tels. Mieux vaut ne pas intégrer à votre ratio BDE les services ou biens pour lesquels les clients n’ont pas encore reçu de document (électronique ou non). Les retards réels de facturation doivent naturellement être suivis à l’aide de KPI distincts. Étant donné que la TVA facturée peut être récupérée en cas de non-paiement, elle ne constitue pas un coût. Veillez donc à prendre en compte le chiffre d’affaires facturé HTVA.

Faites-en un KPI

Vous avez maintenant calculé un ratio. Mais comment l’utiliser ?   Les credit managers savent qu’il faut attendre 3 à 6 mois après la date de facturation pour obtenir un aperçu stable de ce qui pose effectivement problème ou ne sera pas payé.   On obtient par exemple un bon KPI en prenant la moyenne des ratios BDE sur une période de 6 mois pertinents. Si vous obtenez un aperçu stable des mauvais payeurs dès le troisième mois, vous pouvez par exemple faire la moyenne des mois M-3 à M-8 (en supposant que M correspond au mois actuel).

Avantages clairs

Ce KPI permet de créer un lien clair entre le coût nominal des défauts de paiement et l’évolution du chiffre d’affaires.   Si le chiffre d’affaires augmente en raison d’une hausse du volume ou du prix du produit final, le risque nominal encouru par l’entreprise augmente également. Et vice versa. Si les prix chutent (p.ex. : le prix de l’essence ces dernières années), pour un même volume, le coût nominal de vos impayés chutera lui aussi.
Toute modification du profil de risque de vos clients sera également visible. Si vous vendez davantage à l’État – en principe avec des risques limités, cela se traduira par une réduction de votre KPI parce que la part de ventes sans risques baisse également.
Une amélioration des processus de recouvrement sera elle aussi directement visible dans le KPI.  On retrouve cet effet dans l’évolution dans le temps du ratio BDE d’un mois spécifique. Si ce mois entre dans la période de mesure, cela sera directement visible dans votre KPI.

Passons maintenant aux choses sérieuses

Vous n’obtiendrez une véritable vue d’ensemble qu’en suivant ce chiffre chaque mois pour contrôler l’évolution des différents points. En appliquant des filtres à différentes dimensions liées aux clients, vous pourrez identifier les principaux coûts en matière de défaut de paiement. Vous pourrez ainsi comparer plusieurs régions, entités commerciales, canaux de vente, segments de vente, etc.

Aucune garantie à 100%

Cette approche repose toutefois sur une supposition majeure.  La facturation mensuelle et les moins-values enregistrées doivent être déterminées de manière objective et minutieuse.  Quant à l’autre composante du calcul, la provision pour débiteurs douteux, elle implique toujours une part de hasard.   Elle est évaluée sur la base d’une méthode (voir cadre), mais vous ne connaîtrez réellement les pertes liées aux impayés d’un certain mois passé que lorsque toutes les factures de cette période auront été réglées. Le chiffre sera alors établi de manière objective et non discutable, mais avant cela, il ne s’agit que d’une estimation. Les coûts exacts des impayés d’une période déterminée ne peuvent donc être connus avec certitude tant que toutes les factures n’ont pas été réglées.

Méthodes les plus courantes

Les deux méthodes les plus souvent utilisées pour le calcul de la provision pour débiteurs douteux sont les suivantes :

Méthode 1 : % des ventes

Cette méthode consiste à déterminer la provision pour débiteurs douteux en prévoyant un % fixe des ventes à titre de coût. Un nouveau montant est ajouté à chaque période et, au fil du temps, les coûts réels des impayés sont intégrés. Principal inconvénient de cette méthode : le pourcentage utilisé est difficile à déterminer et la corrélation avec les processus de recouvrement en cours est faible.

Méthode 2 : % du retard

Cette méthode consiste à calculer la provision totale nécessaire pour chaque période sur la base du retard de paiement, et à la comparer au montant de la période précédente. La différence est ajoutée ou déduite du compte de résultats.  Cette méthode permet d’attribuer un pourcentage différent de non-récupération attendue pour chaque période d’échéance (non échue, 1 à 30 jours …). On part ici du principe que plus une facture est ancienne, plus il est probable qu’elle demeure impayée, et qu’il vaut donc mieux miser sur un faible taux de récupération. Si l’on utilise cette méthode, il est important de déduire la TVA des créances en cours, pour éviter une mauvaise comparaison entre le numérateur et le dénominateur. Cela peut parfois rendre les choses un peu plus complexes,  surtout si l’on applique différents pourcentages.

Les deux méthodes doivent ensuite être affinées en appliquant différents pourcentages aux segments de clients (B2B, B2C, État, …) ou à la situation dans laquelle se trouve le client (plan de paiement en cours, faillite, etc.).

Complexité supplémentaire

On oublie souvent de déduire la garantie ou la caution du risque en cours. Un client qui a versé une caution équivalant à trois mois d’achat de biens ou de services ne doit pas être pris en considération. Même si le client paie avec 60 jours de retard, le risque est nul tant que le montant de la caution excède celui des créances en cours. Il est évident que c’est également valable dans le cas d’une assurance-crédit.

Conclusion

Le « Bad Debt Expense » étant un facteur important de la rentabilité d’une organisation, d’un segment ou d’un produit, il est essentiel de bien l’évaluer.  Utiliser des techniques et modèles statistiques permet de se rapprocher au maximum de la vérité.  Il ne s’agit cependant à chaque fois que d’une estimation, le BDE réel n’est connu que lorsque toutes les factures ont été réglées.  D’où l’importance d’échéances courtes dans le processus de recouvrement de bout en bout.  Plus le délai est court, plus les informations – et donc les décisions prises en fonction de celles-ci – seront correctes.

Steven Penne


Source: www.workincapital.be